Le Washington Post a salué l’arrivée en Suisse d’un magazine indépendant de langue Allemande. Ce nouvel acteur de la presse online s’appelle Republik et il a comme mission de délivrer une information de qualité sans dépendre de la publicité. Quel est le business model qui va permettre de résister à la vague numérique et à la prolifération d’un contenu gratuit, souvent il faut le dire, bas de gamme ? Le crowdfunding est une des réponses possibles. Dans le cas de Republik, ce nouveau mode de financement participatif a permis à cette équipe composée de journalistes expérimentés, de lever des fonds et d’obtenir plus de 7,7 millions de francs suisses. C’est donc plus de 15000 particuliers qui ont été séduit par cette initiative et montrent une volonté de prendre en main leurs capacités à trouver une information fiable. Dans ce but, ils ont choisi de verser une somme annuelle de 240 CHF en guise d’abonnement. Des investisseurs privés ( sans aucune prise sur la rédaction) ont apporté un complément de 3.500.000 CHF.
Cette démarche audacieuse (d’autres exemples bâti sur le même principe existent en Europe) vient s’afficher en un contraste brutal avec l’exemple du Guardian dont la situation vient de faire l’objet d’un reportage dans Le Monde en France. Le Guardian, fleuron de la presse britannique, symbolise le paradoxe des journaux au XXIe siècle. En vingt ans, ce journal anglo-saxon de diffusion moyenne est devenu un succès planétaire, lu désormais par 150 millions de visiteurs uniques par mois sur Internet. Mais en parallèle, la diffusion papier du quotidien s’est effondrée de 60 % en dix ans, et sa situation financière révèle ce douloureux antagonisme entre une diffusion qui ferait pâlir de jalousie n’importe quelle rédaction et une perte d’exploitation qui rend tout pâle son banquier. 45 millions de livres sont venus s’inscrire en rouge dans la case perte opérationnelle pour son dernier exercice. Le choix de ne pas mettre en place un paywall a comme conséquence un brutal retours de bâton sur les finances du journal. Le contenu gratuit en ligne n’échappe donc pas à une introspection en profondeur au sein du média. Il y a des réflexions intéressantes notamment sur la longueur des articles qui n’est plus bridée sur internet par les exigences d’une maquette papier. Cette liberté d’écriture donne la possibilité de réaliser de longs papiers qui s’avèrent perdu sur un serveur à l’extrémité d’une longue traine, et ne voient passer que quelques malheureux lecteurs.
Une des solutions est sans doute l’utilisation de la technologie. Celle-ci doit être utilisée à bon escient, c’est à dire dans les process de publication, les nouvelles formes de média ou l’analyse. Il ne s’agit pas de mettre en place des systèmes d’écritures automatiques et de chercher à remplacer les journalistes par des robots. C’était un peu ce que les mauvais esprits avaient pensé quand ils avaient lu avec surprise que Jeff Bezos (patron d’Amazon , mais est il besoin de le préciser ici ;), avait racheté le Washington Post. Depuis, avec un patron qui non seulement sait ce qu’est un algorithme, mais a aussi quelques billets en poche (et pas de 1 $), le journal a réussi à tripler ses abonnés depuis 2016 comme nous le révèle un article des Echos. Augmentation de sa rédaction et investissements technologiques pointus sont des axes stratégiques pour ce journal américain papier et online. Comme le diable est dans le détail, comme on dit, le journal s’est penché avec attention sur la vitesse de téléchargement de son contenu. On se doute de l’importance de ce point technique sur le temps de lecture , principalement avec les nouveaux usages mobiles. Ce genre d’analyse permet à ce journal d’être en avance sur les autres à tel point que les équipes techniques de ce support de presse travaillent pour d’autres marques.
Indépendance éditoriale et innovation technologique permettent de délivrer un service haut de gamme qui a une valeur. Payer, quand on veut trouver une information validée, lisible quasiment partout et en plus bien écrite semble dans les choses possibles. Quel est le prix auquel le consommateur est prêt à payer? Chez Republik, 240 CHF par an, représente une somme assez importante. En France Médiapart qui a un concept proche propose son contenu à 110€ par an, moins de 10€ par mois, ce qui est peu ou prou le prix des éditions numériques de Libé, Le Monde et du Figaro, pour ne citer que ces quotidiens. Longue vie à Republik !
D’autres média suisses ont évoqué bien sûr le lancement de Republik, comme Le Temps et 24heures.
Ebdo se lance en France avec la volonté d’avoir des lecteurs engagés
Cette presse à la recherche de lecteur/partenaire fait l’objet d’un lancement également en France. Le magazine ebdo (sans H) s’est lancé en janvier 2018 dans la voie de l’imprimé. L’équipe de journalistes qui avait imaginé précédemment des revues comme XXI veut proposer un hebdomadaire à haute valeur ajoutée. Evitant la logorrhée d’articles disponibles et gratuits accessibles 24h/24, elle a conçu un nouveau support presse qui veut donner les moyens au lecteur de se faire une opinion. Cela a une incidence sur le mode d’abonnement qui n’est pas du crowdfunding, mais fait appel en plus de l’argent demandé, à une volonté d’engagement du lecteur. Celui-ci à la possibilité de choisir de verser un prix mensuel qui va de 5 € à 20 €. Ce prix permet de couvrir plus ou moins les coûts de fonctionnement et d’investissement du journal, comme l’explique la vidéo du directeur de la publication. Ainsi le lien entre le journal et son lecteur est plus profond, car celui-ci s’engage, non seulement pour un produit, mais aussi pour la société qui l’édite et l’équipe qui le manage. Un engagement qui est aussi une des bases du lancement de Republik.
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